lundi 3 septembre 2018

Kazakhstan : ma pomme, d'où vient elle ?

Au Kazakhstan, dans les montagnes du Tian Shan, au Kazakhstan où les premiers pommiers seraient nés, il y a 165 millions d’années, on trouve dans ces forêts épaisses d’arbres qui peuvent atteindre plus de trente mètres de haut et vivre plus de trois cents ans, des pommiers sauvages : les Malus sieversii.

Une forêt ancestrale unique au monde contenant plus de cinq millions de variétés de pommes différentes et donnant de gros fruits comestibles

Ces pommes originelles (Malus sieversii), sont très variées et exceptionnellement résistantes.


Les arbres croulent littéralement sous l’abondance des fruits et leurs pommes, savoureuses et sucrées, ne sont autres que les ancêtres de toutes les pommes domestiques !

Toutes ces qualités exceptionnelles dont elle a le secret, c’est en partie aux ours végétariens du Tian Shan qu’elle les doit. 

Gourmands, ces ours se seraient nourris, il y a bien longtemps, des fruits les plus gros et les plus sucrés. 

Gourmands, au point qu’ils peuvent dévaliser un arbre entier en une journée.

Gourmands mais reconnaissants. 

Les ours auraient alors, en échange de leur félicité, dispersés, via leur déjection, les graines à travers la montagne. 

Ils auraient ainsi, sans le vouloir, participé à la sélection naturelle pour favoriser les pommes qui avaient leur préférence. 

Les plus savoureuses, aux arômes de framboise ou de banane mais aussi les plus résistantes. 


L’ours du Tian Shan serait ainsi le tout premier sélectionneur de pommes sucrées !



Ces pommiers sauvages du Kazakhstan donne des pommes rouges, vertes ou bigarrées, allant de 3 à 10 cm de diamètre et pesant de 20 à 230 grammes, parfois plus. Elles sont adaptées aux variations de température extrêmes, moins 40 degrés l’hiver et plus 40 degrés l’été.

Il y a 30 000 ans, les tout premiers nomades, chassés vers l’ouest par les dernières grandes glaciations, les emmèneront dans leur paquetage. 

Partie du Kazakhstan, cette pomme voyage depuis plus de10 000 ans avant notre ère. Portée par les nomades puis par les caravanes de la route de la soie, au gré des guerres et des migrations de population 

Puis, les Sumériens, il y a 7000 ans, en inventant le principe de la greffe, vont franchir une étape dans la domestication des plantes. 

Elle traverse les civilisations de l’antiquité, croise les perses et les grecs et arrive en Gaule par les romains. 


Fruit illustre de la renaissance cette pomme atteindra les rives du nouveau monde à bord des caravelles des grands explorateurs.

Pour comprendre l’histoire moderne de Malus sieversii il est nécessaire de savoir que jusqu’en 1989, année de la chute du mur de Berlin, tous les travaux réalisés par des chercheurs soviétiques, étaient inconnus du monde occidental.

On supposait alors que nos pommiers cultivés descendaient de pommiers sauvages disséminés dans la grande forêt de feuillus couvrant l’hémisphère Nord.

Mais lorsque en 1989 le généticien Herb Aldwinckle se rend au Kazakhstan, il découvre d’immenses forêts de pommiers sauvages ne présentant aucuns éléments de comparaison avec les arbres solitaires d’occident.
Leurs fruits d’une etonnante biodiversité sont à la fois plus gros et sucré .

Fort de cette découverte,il s’aperçoit que deux éminents chercheurs Nicolaï Vavilov et Aymak Djangaliev s’étaient bien avant lui penchés sur ce phénomène unique.

Dès 1929, le biologiste soviétique Nikolaï Vavilov affirme que le Tian shan est le centre de l’origine de la pomme, et Aymak Djangaliev, agronome kazakh et  son disciple consacrera sa vie au recensement et à l’étude des pommiers Malus sieversii.

Il va se heurter à l’hostilité de Staline qui ne voulait pas entendre parler des progrès de la génétique moderne. Grâce à l’obstination de Djangaliev, depuis 2002, l’arbre généalogique de la pomme est établie.

Désormais, le projet d’Aymak Djangaliev semble porter ses fruits et il nourrit l’espoir d’un verger sans pesticide, grâce à  Malus sieversii.
Le fin mot de cette histoire sera apporté par le généticien Barrie Juniper en 2002. 

Grâce à des outils moléculaires il démontre que Malus sieversii, la pomme du Kazakhstan, est à l’origine de toutes les pommes cultivées.

Boostée par ces révélations, une équipe européenne dirigée par (Velasco) fournira la preuve irréfutable de cette origine à l’aide du séquençage du génome complet de la pomme fin 2009. 



L’étude de ces forêts de pommiers sauvages va changer la vision que l’on a de l’arboriculture. Ces arbres poussent depuis des milliers d’années, sans être ni taillés, ni traités et produisent des fruits par milliers. 

Cette forêt est en danger. Entre les politiques de destruction initiée par l’URSS, l’ignorance, la déforestation sauvage, l’urbanisation tout azimut : 70% des forêts de pommiers sauvages ont déjà disparu. La vaste forêt primitive se réduit comme une peau de chagrin chaque jour.

Et s’il faut 20 ans à un pommier pour pousser, son ennemi numéro 1, la tavelure du pommier, mute 6 à 7 fois par an. 
Les arbres sont donc traités avec des fongicides et pesticides, 30 à 40 fois par an.
Nous arrivons à une situation absurde, où la pomme qui a des effets positifs pour la santé devient de fait un fruit dangereux.

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